L’engouement de l’utilisation du double blocage a vu le jour au début des années 2000 lorsque les études RENAAL et IDNT (parues dans le NEJM en 2001) ont montré que le blocage simple permettait de réduire le risque d’insuffisance rénale terminale chez les patients diabétiques de type 2 insuffisants rénaux protéinuriques. Ce blocage était bénéfique mais il ne faisait que retarder le moment de la dialyse que de 1 an environ, approche utile donc mais bien insuffisante…

Que pouvait-on proposer alors ?
Les données d’essais thérapeutiques utilisant un double blocage chez l’homme ont indiqué que cette stratégie permettait de réduire la microalbuminurie à court terme, ce qui conduisait à penser que le double blocage permettrait certainement d’améliorer le pronostic rénal des patients à long terme. L’essai thérapeutique COOPERATE paru dans The Lancet en 2003 a montré qu’un double blocage losartan + trandolapril réduisait le risque d’insuffisance rénale terminale chez des patients japonais insuffisants rénaux protéinuriques non diabétiques. C’est sur cette base que des recommandations nationales ont proposé un double blocage chez les patients protéinuriques résistant à un simple blocage. Malheureusement, en 2008, cette étude s’est révélée être une fraude. A quelques semaines d’intervalle, paraissaient les résultats de l’étude ONTARGET : le double blocage entrainait l’incidence de l’insuffisance rénale aigue, mais pas celle des évènements cardiovasculaires majeurs, des AVC ou de l’insuffisance rénale chronique (IRC), mais l’étude n’était pas conçue pour évaluer les effets sur l’IRC.

L’étude ALTITUDE était mieux conçue à cet égard, puisqu’elle incluait des patients diabétiques de type 2 à risque rénal et à risque cardiovasculaire. Le 14 décembre 2011, le comité de surveillance a demandé d’arrêter l’étude pour futilité (pas d’effet sur le critère de jugement principal et incidence plus importante d’AVC et d’insuffisance rénale aigue dans le groupe de patients recevant conjointement aliskiren et losartan vs le groupe losartan seul). Les données définitives ne nous sont pas encore connues. L’analyse de l’étude concernant spécifiquement le plus grand nombre d’AVC dans le groupe aliskiren + ARA2 vs ARA2 est attendue avec impatience…

Le double blocage est-il « mort » ?
En l’absence d’information supplémentaire, il ne faut pas prescrire le double blocage aliskiren + ARA2 (ou aliskiren + IEC) et l’arrêter chez les patients déjà traités. Par contre, il n’y a aucun argument pour arrêter l’aliskiren chez un patient déjà traité ne recevant pas un IEC ou un ARA2. Peut-on encore prescrire un double blocage IEC+ARA2 et si oui dans quelle indication ? Il faut être particulièrement prudent. Il existe certainement des patients à risque rénal majeur (exemple : protéinurie massive > 6 gr/jour et altération progressive de la fonction rénale) chez qui un tel blocage peut être envisagé. Le double blocage n’est pas totalement mort, mais c’est tout comme : défini ainsi, le nombre de patients qui peuvent bénéficier de ce type d’approche est faible (cf supra) puisque cette approche n’est pas pertinente pour le traitement de l’HTA réfractaire.

Article rédigé par Jean-Michel Halimi, Tours. Rédaction 25 mars 2012. Copyright SFHTA

L’auteur déclare avoir pour liens d’intérêt des activités de conseil ou d’interventions lors de symposia pour les laboratoires Novartis, BMS-SA, Boehringer-Lilly, Servier, Sankyo, MSD, Roche, Takeda, Fresenius, Menarini.