« Les conclusions alarmantes de l’article de Sipahi et al. et les commentaires qui lui ont été associés ne sont pas appropriés » affirment un collectif d’auteurs dans l’European Heart Journal Journal. Sur la base d’un peu plus de 40 références, leur argumentation, constitue une mise au point très utile après le pavé dans la mare lancé par le Lancet Oncology.

On se souvient de la publication du Lancet Oncology du 14 juin 2010 évoquant « une modeste augmentation du risque de cancer nouvellement diagnostiqué sous inhibiteurs de l’angiotensine II, sans qu’il soit possible, à ce stade, de conclure sur l’exactitude de ce risque » (1). Le Lancet qualifiait la méta analyse de « dérangeante et perturbatrice » et appelait les autorités de santé à se pencher urgemment sur cette nouvelle question aux énormes enjeux : quelques 200 millions de patients sont actuellement traités avec ces molécules.

Comme expliqué par le collectif d’auteurs dans l’European Heart Journal Journal (2), les données sur le développement clinique des sartans ont un recul d’une quinzaine d’années d’essais cliniques totalisant au moins 300 000 patients. Les sartans sont une classe pour lesquelles les données ne manquent pas, en juillet 2010, on pouvait retrouver sur Pubmed quelques 12 100 citations avec les mots clés angiotensin Receptor antagonists et Angiotensin receptor blockers. Les sartans n’ont pas supplanté les IEC dans l’insuffisance cardiaque congestive et le post-infarctus et, en 2004, ils avaient déjà fait parler d’eux avec un possible risque accru d’infarctus ; qui ne fut pas confirmé. Bien sur, on connait leur contre indication en cas de grossesse, d’hypertension rénovasculaire et d’insuffisance rénale sévère. Mais que les sartans puissent favoriser le cancer, voilà qui était nouveau (note). Une crainte à prendre au sérieux ? Evidemment, et ce que Volpe et al ont fait. Comment ? En pointant les faiblesses méthodologiques de la méta-analyse, notamment dans le choix des essais pris en compte (peu de patients, pas assez de recul) ; et de rappeler qu’un facteur de risque aussi puissant que le tabac requière au moins 10 ans d’exposition pour voir apparaitre une augmentation significative du risque de cancer du poumon. La méta-analyse publiée ne renseigne pas assez sur les données, comme le sexe, l’âge, le tabagisme ou les antécédents néoplasiques. Déséquilibrée, elle donne un poids relatif trop important à l’étude ONTARGET. Incomplète, elle ne prend pas en compte au moins 16 autres études. Ainsi, la simple prise en compte des données de VALUE aurait changé la donne expliquent Volpe et al. Mieux, il existe des publications évoquant une protection contre le cancer. Enfin, on ne voit pas quelle plausabilité biologique serait en cause, le collectif remarquant que la discussion de Sipahi n’a pas de bases solides sur ce point et en revanche expliquant bien l’état de cette question.Tout cela est mieux dit et détaillé dans leur publication que dans ce résumé. On retiendra pour la pratique que la FDA vient de réaffirmer que la balance bénéfice risque des sartans restent favorable (3). Dont acte.

Références

1. Sipahi I, Debanne SM, Rowland DY, Simon DI, Fang JC. Angiotensin-receptor blockade and risk of cancer : meta-analysis of randomised controlled trials. Lancet Oncol 2010 ;11:627-636. 2. Volpe M, Azizi M, Jan Danser A.H, Nguyen G, Ruilope L.M. Twisting arms to angiotensin receptor blockers/antagonists : the turn of cancer. European Heart Journal doi:10.1093/eurheartj/ehq382 3. FDA, Safety review of the ARBs and cancer (online available)

Rédaction
Nicolas Postel-Vinay, Michel Azizi pour sfhta.org
Copyright sfhta
Mise en ligne novembre 2010