L’étude SPRINT réalisée par le National Institute of Health démontre que chez un hypertendu âgé de plus de 50 ans et ayant une PAS à 140 mmHg et déjà traité, l’ajout d’un médicament antihypertenseur permet de diminuer la survenue des complications cardiovasculaires. Ce bénéfice s’accompagne d’une augmentation des effets indésirables biologiques liés aux traitements ce qui impose leur dépistage.
Référence :
The SPRINT Research Group. A randomized trial of intensive versus standard blood-pressure control. N Engl J Med. DOI: 10.1056/NEJMoa1511939
Résumé :
C’est pour répondre à la question de l’objectif tensionnel à fixer chez un hypertendu non diabétique mais avec un risque cardiovasculaire élevé que le National Institute of Health (NIH) a conçu et réalisé aux USA l’étude SPRINT. Le NIH avait déjà réalisé des études chez les hypertendus avec un diabète, l’étude ACCORD publiée en 2010 et chez les hypertendus ayant fait un AVC ischémique par lacune cérébral, l’étude SPS3 publiée en 2013, ces deux études n’ayant pas montré de bénéfice supplémentaire à fixer l’objectif de la PAS à 120 mm Hg par rapport à un objectif à 140 mmHg. L’étude SPRINT a inclus des hypertendus âgés de plus de 50 ans, mais avec 25% des sujets ayant plus de 75 ans, et a comparé les effets sur la prévention des complications cardiovasculaire du traitement antihypertenseur avec l’objectif d’une PAS à moins de 120 mmHg ou à moins de 140 mmHg. L’étude SPRINT a été interrompue après 3,2 ans de suivi du fait d’une supériorité en terme de mortalité cardiovasculaire dans le groupe ayant l’objectif à moins de 120 mmHg. Les résultats publiés de façon très rapide avec seulement 8 semaines après l’arrêt de l’étude par le comité des événements, ont montré que les patients inclus étaient des hypertendus traités ayant en moyenne 1,9 médicaments antihypertenseurs et ayant une PAS/PAD à l’inclusion de 139,7/78,8 mmHg. Pour atteindre l’objectif de l’étude dans le groupe « traitement intensif », les investigateurs ont augmenté leur prescription d’un médicament (moyenne à 2,8 médicaments à la fin de l’étude). Il est noté que dans le groupe « traitement intensif » les mono/bi/tri/quadrithérapies sont de 10,5% ; 30 ,5% ; 31,8% ; 24,3% alors que dans le groupe « traitement standard » la répartition est de 31,1% ; 33,3% ; 17,2% ; 6,9%.
Le résultat principal est une diminution de l’ensemble des complications cardiovasculaires de 25% et de la mortalité totale de 27%. La principale complication prévenue est la survenue d’une insuffisance cardiaque alors que la prévention des AVC n’atteint pas le seuil de la significativité par manque de puissance du fait de la faible incidence des AVC lorsque la PAS est inférieure à 140 mmHg. Ce bénéfice est persistant chez les patients âgés de plus de 75 ans, chez les patients en prévention primaire ou secondaire, chez ceux dont la fonction rénale est altérée de façon légère à modérée, chez ceux dont la PAS est initialement à moins de 132.
Une expression du résultat de l’étude SPRINT est d’indiquer que l’ajout d’un médicament antihypertenseur chez des hypertendus déjà traités va permettre d’éviter un événement sur une période de 3,2 ans tous les 61 patients. Un décès sera évité tous les 90 patients traités.
En parallèle du bénéfice observé sur la prévention des complications, il est noté une augmentation des effets indésirables liés aux traitements (hypotension, insuffisance rénale, hypokaliémie, hyponatrémie). Il n’y a toutefois que moins de 5 % des patients qui ont eu un réel problème de tolérance rénale associé à cette augmentation du traitement. Une des raisons de la bonne tolérance des traitements antihypertenseurs dans SPRINT est secondaire à la sélection des hypertendus les moins graves et les moins fragiles pour satisfaire les critères d’inclusion de l’étude (les patients institutionnalisés notamment n’ont pas été inclus dans l’étude).
Commentaire : Pr Xavier Girerd, Paris
Les conséquences pratiques de l’étude SPRINT sont encore incertaines. Aux USA, elle sera la justification d’une mise à jour des recommandations du JNC qui fixeront sans doute un objectif d’une PAS < 140 mmHg chez les hypertendus âgés de plus de 60 ans, comme c’est déjà le cas en Europe. En France, la recommandation de 2013 de la SFHTA avait proposé que l’objectif chez tous les hypertendus soit une PAS entre 130 et 139 mmHg et l’étude SPRINT vient donc conforter cet avis.
Si il serait difficile et excessif de proposer et d’atteindre chez tous les hypertendus traités l’objectif d’une PAS à 120 mmHg, mais un message simplifié et sans doute efficace en terme de santé publique serait d’indiquer au médecin prescripteur qu’un hypertendu ayant en consultation une PAS dans les alentours de 140 mmHg (ou de 135 mmHg en automesure) devrait se voir proposer une augmentation d’un médicament antihypertenseur dans sa prescription (l’usage des combinaisons fixes permettant cette adaptation sans avoir à toujours augmenter le nombre de comprimé) en particulier si le patient a plus de 50 ans et a un risque cardiovasculaire estimé comme élevé. Sachant qu’un médecin généraliste assure le suivi d’environ 300 hypertendus par an, le bénéfice démontré par l’étude SPRINT si la stratégie préconisée était appliquée serait perceptible dans chaque patientèle.La recherche d’une hypotension et la surveillance d’une anomalie biologique (hypokaliémie, hyponatrémie, élévation de la créatinine) étant indispensable afin d’assurer la bonne tolérance de cette adaptation du traitement.