Un article de la revue Science ouvre un concept entièrement nouveau concernant l’hyperaldostéronisme primaire. Maria-Christina Zennaro et Xavier Jeunemaitre commentent cette importante parution.

L’hyperaldostéronisme primaire (HAP) est la forme la plus commune du secondaire de l’hypertension artérielle avec une prévalence estimée entre 6 et 10% chez les patients. Elle est due dans la majorité des cas, soit à un adénome surrénalien produisant soit à une hyperplasie surrénale bilatérale (ou idiopathique). Cependant, les mécanismes moléculaires sous-jacents hypersécrétion d’aldostérone et / ou la nodulation de la corticosurrénale sont encore largement inconnus.

Dans cet article paru en février 2011 dans la revue Science, le groupe de Lifton ouvre un concept entièrement nouveau en montrant la présence de mutations du gène KCNJ5 qui codent pour un canal potassique Kir3.4. Il s’agit d’une part d’une mutation responsable d’une très rare forme héréditaire d’HAP précoce, caractérisée par une hyperplasie surrénale bilatérale massive et appelé FH-3. Surtout, en utilisant la technique de séquençage « exome sur le génome entier » sur quelques adénomes surrénaliens, les auteurs ont identifié des mutations somatiques du gène KCNJ5 qui ne sont donc présentes que dans l’adénome surrénalien et donc non transmises. Fait remarquable, seulement deux mutations récurrentes ont été trouvées. Ce sont des mutations faux-sens, Gly151Arg et Leu168Arg, affectant deux acides aminés localisés à proximité du filtre de sélectivité du canal Kir3.4 à ions K+. Le mécanisme de ces mutations a été aussi analysé par des mesures électrophysiologiques. Les mutations entraînent une perte de sélectivité du canal, avec la perméabilité qui n’est plus sélective aux ions K+ mais devient perméable aux ions Na+. De ce fait, on peut faire l’hypothèse que dans les cellules glomérulées du cortex surrénalien, une augmentation de la dépolarisation membranaire puis à une stimulation de la voie de signalisation du calcium, le médiateur majeur de la production d’aldostérone. De leurs résultats, les auteurs concluent que seules quelques mutations du gène KCNJ5 sont suffisantes pour être à l’origine des HAP soit dans de très rares formes héréditaires soit au contraire dans les adénomes surrénaliens avec une fréquence de l’ordre de 30% des cas.

Ces résultats sont d’une importance capitale car ils ouvrent la possibilité qu’une maladie hormonale surrénales affectant des millions de personnes partout au monde pourrait être dû en partie à un mécanisme unique, c’est à dire des mutations somatiques qui affectent surrénales un canal potassique. Ces résultats très novateurs devraient stimuler davantage la recherche dans ce domaine et aider à déchiffrer les mécanismes impliqués dans les HAP familiaux et sporadiques.

Copyright sfhta.org. Aout 2011

Auteurs : Maria-Christina Zennaro [ref]INSERM, UMRS_970, Paris Cardiovascular Research Center, Paris, France[/ref], [ref]University Paris Descartes, Paris, France[/ref], [ref]Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, Hôpital Européen Georges Pompidou, Paris, France[/ref] and Xavier Jeunemaitre[ref]INSERM, UMRS_970, Paris Cardiovascular Research Center, Paris, France[/ref] [ref]University Paris Descartes, Paris, France[/ref], [ref]Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, Hôpital Européen Georges Pompidou, Paris, France[/ref]

Références

  • Choi et al. K+ Channel Mutations in Adrenal Aldosterone-Producing Adenomas and Hereditary Hypertension. Science. 2011 ; 331:768-772
  • Mutations in KCNJ5 gene cause hyperaldosteronism Zennaro MC & Jeunemaitre X Circ Res. 2011 ; 108:1417-8.

Glossaire

Séquençage sur exome entier : Les techniques de séquençage du génome connaissent une véritable révolution technologique. Il est maintenant possible de connaître la séquence codante de l’ensemble des gènes (environ 20.000) composant le génome d’un individu ou d’un tissu en une seule expérience grâce à des puces dédiées. De nombreuses variations génétiques communes à l’ensemble de la population peuvent être ainsi détectées, mais aussi des variants plus rares ou des mutations qui auront un effet délétère.

Mutation faux-sens :
La structure codante des gènes codant pour des protéines est organisée sous forme de regroupements de trois lettres consécutives, les codons qui permettent la traduction en acides aminés à partir de l’ARN messager. Ainsi à partir des 4 nucléotides composant le génome (A,T,G,C), une combinaison de 3 lettres indiquera la traduction en un acide aminé précis (par ex. ATG est traduit en Methionine). Il existe 64 codons différents codant directement pour 20 acides aminés. Lorsqu’une des 3 bases d’un codon est modifiée, elle peut entrainer la traduction entre un autre aminé (par ex. ACG au lieu de ATG se traduit en Thréonine au lieu de Méthionine). On parle alors de mutation faux-sens, car il y a eu changement d’acide aminé, ce qui peut ou non avoir des conséquences sur la fonction de la protéine correspondante.