Les ‘jeunes’ ne lisez pas ce qui suit ! Ce n’est pas votre médecine, ce n’est pas votre époque ! Pour vous, Hamburger c’est McDonald’s, et Milliez, c’est qui celui-là ? Je fus interne des ces ancêtres et suis donc à ranger parmi les vieillards cacochymes. Milliez inventa l’hypertension comme de Sèze inventa la rhumatologie, Hamburger la néphrologie et la transplantation rénale, Arthur Guyton la physiologie intégrative ou Paul Korner la régulation de la pression artérielle par le baroréflexe. Paul Korner fut aussi mon maître aux antipodes (Melbourne), le baro-maître comme je me plaisais à l’appeler. J’utilise l’imparfait car ils ont tous disparu ! Les cimetières sont ‘peuplés’ de gens indispensables ! Mais eux l’étaient ! Alors, pourquoi attribuer et par voie de conséquence recevoir un Prix Paul Milliez ? D’abord on devrait dire Award et l’anglais valorise cette attribution européenne, pas moins, qui fait bien partie des distinctions accordées lors du congrès annuel de l’European Society of Hypertension. Merci, Jean-Michel Halimi, Président, de me l’avoir remis !

Le Prix rappelle aux plus jeunes (mais qui sont-ils au fait ?) que Paul Milliez fut une personnalité française du domaine de l’hypertension artérielle, un grand homme et de plus il était grand, je vous le dis ! Le Prix honore celui qui le reçoit, votre serviteur cette année, pour ses travaux en hypertension artérielle.

Mais, alors, qu’ai-je fait ? En 1976, je publiais un premier papier, pardon article, sur les effets des antagonistes de l’angiotensine II, injectés dans le cerveau des rats hypertendus sur leur pression artérielle (Clinical Science and Molecular Medicine); en 2013, j’ai un papier sous presse qui visualise les effets de l’angiotensine II injectée dans le cerveau de souris sur leur pression artérielle et leur baroréflexe (Neuroimage).

En somme, rien de neuf en 37 ans de recherche si ce n’est d’être passé du rat à la souris, une sorte de miniaturisation de l’animal d’expérience. C’est à peu près cela avec 200 articles entre les deux. Des broutilles. Néanmoins, quand on lit ces articles, quand on analyse à la loupe les résultats obtenus, on se dit qu’il y a eu pléthore de questions posées sur les liens avec le système nerveux autonome, avec la variabilité tensionnelle et cardiaque, qu’il y a eu nombre de recherches et d’applications à l’homme (la recherche translationnelle !) et que ces liens, aussi ténus soient-ils, contribuent à tisser cette grande toile de la connaissance. Ce n’est certes pas la pierre philosophale, ce n’est pas le traitement du cancer non plus qu’on honore, c’est juste un ensemble de fils, de connexions (nerveuses), qui donnent du sens à l’histoire de l’hypertension artérielle. C’est cela que la Société Française d’Hypertension Artérielle et l’European Society of Hypertension reconnaissent et honorent. En cela, je les remercie du fond du cœur et de mes artères, finalement pas si rigides que cela !

Pr Jean-Luc Elghozi
Néphrologue
Hôpital Necker, Paris